Sanam Khatibi - The Hunger at Mendes Wood DM Paris
EN
In most group shows, but especially in her solo exhibitions, Sanam Khatibi gives the impression of temporarily moving in—setting up camp in the gallery space. Her exhibition The Hunger at Mendes Wood DM in Paris is no exception. Wherever she is based, artist blurs the line between her living and working environment; her studio is in her house, or perhaps her house is in her studio. Either way, it is a real Wunderkammer occupied by objects stranger, more astonishing, more provocative, or more sentimental than the next: animal skeletons, ceramic vessels, human and animal sculptures coming from all corners of the world, clay bowls and vases, bone carvings, rock phalluses and plastic Playmobile relics.
These objects also appear in Khatibi’s paintings, occupying central or peripheral roles. Her visual language circulates between surrealist influence and a Northern European Renaissance technique. A self-taught painter, she reproduces objects placed under direct vertical lighting, eliminating most lateral shadows. The result: forms that seem to hover, as if pasted into space—almost floating.
At Mendes Wood DM, all but one of her paintings fall into two categories: still lifes and landscapes. The landscapes stretch into misty depth—dreamy, often windswept forests outside of time, inhabited by animated skeletons: playing, resting, or fighting (Two Seater; Residues of A Rainbow). Naked humanoid figures, some headless and limbless, appear in a few works (Riot; A View to a Kill) doing exactly what the skeletons do. Are they predecessors, descendants, or echoes? Continuations—or contradictions?
Miniature windows onto another world in Leon Alberti’s classical sense (for most don’t exceed 20 cm in length), Khatibi’s paintings are enclosed in elaborate frames with multi-layered friezes, thus enhancing the degree of separation between our world and theirs. In The Hunger, one symbol recurs: a water jug, knocked over or perched upside down on a stick, but never standing upright. Mid-spill or already empty, it directly echoes our current resource crisis—our drinking water, our flesh, drying out, turning us into live skeletons.
Sanam Khatibi’s work is deeply symbolic, open to myriads of personal interpretations. Standing amid her works, and more so her still lifes, can feel unsettling, like stepping into a spell, a painted sigil. The objects from her studio reappear like magical ingredients—positioned and scaled with ritualistic precision against neutral backdrops. Like recurring characters in a narrative, certain motifs return: a green jade(?) vase, broken eggshells, venomous snakes, Rembrandt tulips—permeating with uncanny vitality.
This feels paradoxical, for her iconography—venomous snakes, bones, scavenging birds eating lizards, severed flowers, and, of course, skulls—leans into themes of mortality. And yet, Khatibi’s still lifes pulse with life. These natures mortes—dead natures—somehow become living compositions. Death and life aren’t opposites here but parts of the same continuum. Perhaps those broken eggshells aren’t signs of endings, but beginnings.
The exhibition culminates in the large-scale painting Put Your Honey Where Your Mouth Is, depicting a naked woman devouring a baby in a dreamy coastal landscape. A female version of Cronus, perhaps—the Greek titan who tried to challenge fate, wanting to rule forever, and thus consumed his children one by one. At her feet lie bones, plants, and Chinese opium snuffboxes, grouped in three clusters—reminiscent of the sigils that perhaps compose each of Khatibi’s still lifes.
These works impress and amuse; they captivate and provoke. Ultimately, they let the weight of human tragedy slip—gently—beneath layers of attractive, curious objects Portraits of ourselves in the ongoing cycle of perception and projection, Sanam Khatibi’s lacquered paintings allow us to dive into the layered complexity of her imagined world.
FR
Dans la plupart des expositions collectives, mais surtout dans ses expositions personnelles, Sanam Khatibi donne l’impression de s’installer temporairement dans l’espace de la galerie — comme si elle y dressait un camp. Son exposition The Hunger chez Mendes Wood DM à Paris ne fait pas exception. Où qu’elle se trouve, Khatibi brouille la frontière entre espace de vie et espace de travail ; son atelier est dans sa maison, ou peut-être est-ce sa maison qui s’est installée dans son atelier. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un véritable Wunderkammer — un cabinet de curiosités peuplé d’objets toujours plus étranges, étonnants, provocants ou sentimentaux : squelettes d’animaux, récipients en céramique, sculptures humaines et animales venues des quatre coins du monde, bols et vases en argile, sculptures en os, phallus en pierre et reliques Playmobil en plastique.
Ces objets prennent vie dans les peintures de Khatibi, occupant des rôles centraux ou périphériques. Son langage visuel circule entre l’influence surréaliste et une technique empruntée à la Renaissance nord-européenne. Peintre autodidacte, elle reproduit des objets placés sous un éclairage vertical direct, supprimant la plupart des ombres latérales. Résultat : des formes qui semblent planer, comme collées dans l’espace — presque flottantes.
Chez Mendes Wood DM, toutes ses peintures, sauf une, se répartissent entre deux genres : natures mortes et paysages. Ces derniers s’ouvrent sur des profondeurs brumeuses — des forêts oniriques, qui semblent bouger dans le vent. Hors du temps, elles sont peuplées de squelettes animés qui jouent, se reposent ou se battent (Two Seater, Residues of A Rainbow). Des figures humanoïdes nues, certaines sans tête et sans membres, apparaissent dans certaines œuvres (Riot, A View to a Kill) et répètent les mêmes gestes que les squelettes. Sont-ils prédécesseurs, descendants, échos ? Prolongements — ou contradictions ?
Fenêtres miniatures ouvertes sur un autre monde, au sens classique de Leon Alberti (la plupart ne dépassent pas 20 cm de large), les peintures de Khatibi sont enchâssées dans des cadres élaborés, à frises multiples, accentuant la séparation entre notre monde et le leur. Dans The Hunger, un symbole revient : une cruche renversée ou perchée à l’envers sur un bâton — mais qui ne tient jamais debout. En plein déversement ou déjà vide, elle résonne directement avec notre propre crise des ressources : notre eau potable, notre chair, qui s’assèchent, nous transformant lentement en squelettes vivants.
L’œuvre de Sanam Khatibi est profondément symbolique, ouverte à une infinité d’interprétations personnelles. Être entouré·e de ses tableaux — surtout des natures mortes — peut être troublant, comme si l’on entrait dans un sortilège, un sigil peint. Les objets issus de son univers réapparaissent comme des ingrédients magiques, placés et mis à l’échelle avec une précision rituelle sur des fonds neutres. À la manière de personnages récurrents dans une narration, certains motifs reviennent : un vase en jade vert, des coquilles d’œuf brisées, des serpents venimeux, des tulipes à la Rembrandt — tous animés d’une vitalité étrange.
C’est là tout le paradoxe. L’iconographie — serpents, os, oiseaux dévorant des lézards, fleurs coupées, crânes — semble évoquer la mort. Et pourtant, les natures mortes de Khatibi vibrent de vie. Ces natures mortes deviennent, en quelque sorte, des natures vivantes. Mort et vie ne sont plus opposées, mais réunies dans un même cycle. Peut-être que ces coquilles brisées ne marquent pas une fin, mais un commencement.
L’exposition culmine avec la grande toile Put Your Honey Where Your Mouth Is, représentant une femme nue dévorant un bébé dans un paysage côtier onirique. Une version féminine de Cronos, peut-être — ce titan grec qui, craignant le cycle du temps, voulut régner éternellement et consoma ses enfants un à un. À ses pieds : ossements, végétaux et tabatières d’opium chinoises, regroupés en trois amas — comme les sigils qui semblent structurer les natures mortes de Khatibi.
Ces œuvres impressionnent et amusent, elles captivent et interrogent. Elles laissent, doucement, le poids de la tragédie humaine glisser sous les couches séduisantes d’objets curieux. Portraits de nous-mêmes dans le cycle infini de la perception et de la projection, les peintures laquées de Sanam Khatibi nous invitent à plonger dans la complexité stratifiée de son monde imaginé.
Info+
– review –
Sanam Khatibi, The Hunger
3.04 – 17.05.2025
25 Pl. des Vosges, 75004 Paris
t. 01 73 70 84 16, https://mendeswooddm.com/